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FESTIVAL CINEMA AMAZIGH AGADIR MAROC 
 
 
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Impressions et recommandations

ÉPILOGUE DE LA 2ÈME ÉDITION DU FESTIVAL DU FILM DU FILM ISSNI N’OURIGH D’AGADIR (MAROC) 
Quatre distinctions pour l’Algérie 
 
La deuxième édition du festival du film Issni N’Ourigh qui s’est déroulée à Agadir, au Maroc, du 11 au 15 Juin 2008 a été marquée par une très grande affluence publique même si certains médias l’ont un peu boudée. Les Algériens sont repartis avec 4 prix dont le Grand Prix du festival et le Prix du scénario attribué à Ali Mouzaoui pour son film Mimezran. Au-delà du succès de cette deuxième édition et de ce palmarès juste, ce festival soulève des enjeux, des positions non seulement du tamazight mais aussi de toute la région, marginalisée et délaissée à cause de ses revendications culturelles et linguistiques, sur l’échiquier cinématographique et politique du Royaume. Une coopération avec l’Algérie est possible, selon le commissaire du festival culturel annuel du film amazigh (Algérie) Hachemi Assad. Si cela se matérialise, ce pont va certainement insuffler une nouvelle dynamique au cinéma amazigh dans les deux pays à même de lui donner plus de chance sur la scène internationale. 
 
Un succès incontestable et un palmarès équitable 
Après 4 jours de projection non stop, durant lesquels le public a été fidèle, le jury a rendu son verdict devant une salle comble et surchauffée. Le cinéma amazigh algérien s’est taillé la part du lion en raflant quatre prix dont le Grand Prix du festival et le Prix du meilleur scénario remporté par Ali Mouzaoui avec le film Mimezran. Dans le genre documentaire, le Prix du meilleur documentaire a été décerné à Hnifa, une vie brûlée du duo Ramdhane Iftini et Samy Allam, alors que le Prix du meilleur court métrage a été remporté par Tislatin Oughanim du Marocain Ahmed Baidou. Ces deux principaux concurrents à savoir Kif Kif de l’Algérien Aksil Imula et Table de punition du Marocain Abdelatif Fdil ont dû se contenter du Coup de coeur du jury. Toujours dans la section compétition officielle, catégorie des longs-métrages, le Prix de la meilleure réalisation a été attribué à Lahoucine Chkir pour son film Tagat. S’agissant des interprétations, tandis que le Prix de la meilleure interprétation féminine a été décerné à l’Algérienne Fatma Zahra Baghdadi pour le rôle de Rosa qu’elle a campé dans le film Arezki L’indigène de Djamel Bendedouche, le Prix de la meilleure interprétation masculine a été attribué à Idhaim Abdenbi pour son rôle dans Tagat de Lahoucine Chkir. En sus de ces Prix, le jury a attribué plusieurs mentions à savoir : Mentions spéciales pour les dessins animés Loudja de l’Algérien Mohammed Boukourdane et Tamaktit Umalu du Libyen Madriss Afoula, Mention d’encouragement pour Mbarak El Atache, pour son rôle dans le film « Laafit Oumedouz de Abdelaziz Oussaih et Mention d’encouragement pour Fatima Joutane pour son rôle dans « Afoukou Souhoukou » de Aziz Oussaih. 
 
Le festival comme voix et voie des artistes d’Agadir 
Organiser un festival de films amazigh à Agadir n’est pas une chose aisée tant que les autorités continuent à nourrir la suspicion par rapport à ce genre de manifestation. Un tel festival permet à toute la région d’utiliser le cinéma, non seulement pour accompagner leurs revendications politiques, mais surtout de se repositionner sur l’échiquier cinématographique dominé par les villes du Nord. Par ailleurs, les organisateurs n’affichent pas de caractère politique au festival, mais ne sont guère dérangés que le festival puisse avoir des prolongements politiques. « Notre festival a plus l’ambition de devenir une voix (et une voie menant vers le succès) de tous les artistes amazighs et surtout de tous ceux de la région d’Agadir, qu’une arme politique » nous déclare la chargée de communication du festival, Latifa Mezig. A notre remarque qui relève le conditionnement implicite de la population au festival par un engagement politique, du moins souhaité, Rachid Moutchou, directeur artistique, répond: Certes, nous tenons compte des équilibres et des sensibilités aussi bien régionales que nationales, mais cela ne fait pas de nous pour autant des politiques.Et d’ajouter: l’Objectif du festival est de promouvoir le cinéma amazigh, notre culture et notre région en leur donnant un espace d’expression 
 
Entre simple rêve et moult embûches 
La réalisation d’un tel projet n’est possible donc que grâce à la volonté d’une petite équipe très jeune et très dynamique qui ne recule devant rien ainsi qu’au soutien indéfectible de la population. C’est ainsi que le rêve est devenu une réalité. Au sujet de ces difficultés, Rachid Boukcim, directeur du festival, a affirmé : Faute de moyens, le report de l’édition a plané pendant très longtemps…. Et d’ajouter, mais grâce à notre volonté, soutien de la population et surtout nos frères algériens, que je remercie au passage, nous avons mené à bout ce projet qui nous tient fortement à coeur …Nous avons réalisé notre rêve ! Concernant l’avenir du festival, Rachid Boukcim pense que le paysage cinématographique marocain compte désormais ce festival qui devient incontournable. En effet, ce projet jouit d’un grand soutien des artistes locaux. Ces derniers qui se sentent un peu délaissés et dévalorisés par rapport à leurs confrères de la brillante Marrakech ou de Rabat, ont été derrière ce festival qu’ils ont utilisé comme un véritable espace d’expression et voie les menant vers les feux de la rampe au Nord du pays. 
 
Un festival du film documentaire en préparation 
Noyée dans le tourisme de masse, la ville d’Agadir tourne un petit peu le dos au 7e art et néglige les éventuelles retombées de telles manifestations. Cet aveuglement s’explique surtout par la peur injustifiée que manifestent les subalternes visà- vis des instances royales qui cultivent la passion du cinéma. C’est ce que Nezha Drissi qui va lancer le premier festival du film documentaire d’Agadir en novembre prochain tente d’exploiter. Cette dernière a réussi à convaincre certains responsables de l’intérêt de ce festival en mettant en valeur ses prolongements et éventuels retombées économiques et culturelles sur le pays, mais la population de cette région traditionnellement frondeuse adhérera-telle à se projet ? Nezha Drissi, affichant un professionnalisme acquis au cours de ces années parisiennes, comme productrice de documentaires, a une recette pour cela. « Je prévois des formations pour les jeunes de la région, des projections en plein air, des programmes scolaires et de développer des thématiques autour de problématiques sensibles comme la protection de la nature, l’éducation, l’enfance et la femme… » En attendant de savoir si la recette peut marcher, une chose est sûre, un tel festival aura des influences sur le repositionnement de la région sur l’échiquier cinématographique, et accompagnera le cinéma amazigh dans sa mutation. Un tel festival va certainement apporter une autre culture cinématographique réduite à du théâtre comique filmé. Le documentaire est un genre difficile et complexe. Il épouse vraiment les besoins des gens soucieux de préserver leurs rites et us sociaux. Ce festival donc peut initier les cinéastes à mieux capter le réel ou à donner une vision du réel authentique. Chose dont a besoin la culture amazighe si elle veut sortir du regard ethnographique réducteur et nuisible 
 
Jeu et enjeux 
L’engouement du public pour le cinéma amazigh et l’émergence du cinéma vidéo, devenu un phénomène de société, a vu naître plusieurs sociétés de production dans la région. Le défi est justement de passer au stade de la professionnalisation afin d’atteindre un produit de qualité. En tous les cas cela offre des conditions d’un marché prometteur. Certains professionnels l’ont très bien compris et se sont investi à fond. Mais les choses ne sont pas si simples : il est très difficile de résoudre l’équation suivante : comment arriver à exploiter le marché sans nuire au cinéma amazigh et sans froisser la sensibilité, voire générer la fronde, des militants de la cause amazighe. Nabil Ayouche, réalisateur et producteur, a tenté le coup. Financé par l’Etat, il est en train de réaliser un projet de 30 téléfilms amazighs. Ce projet ainsi que son projet sont sous les feux de la critique. Pour certains Nabil Ayouche ne cherche qu’à s’enrichir sur le dos de tamazight en livrant un produit à la limite de l’amateurisme. C’est un affairiste qui cherche à produire vite sans soucis de la qualité, nous lance un jeune cinéphile d’Agadir. Son ami renchérit: Il a trouvé un marché juteux et une pépinière de talentueux comédiens qu’il exploite et sous-paye sans vergogne… Mais cette analyse est loin d’être partagée par tout le monde. C’est le cas des comédiennes Fatima Amsguine et Mina Achaoui qui ont travaillé sur plusieurs films produits par Nabil Ayouche. Pour elles, le mis en cause a créé de l’emploi dans la région en faisant travailler les comédiens locaux. Nous étions bien payés, mieux que ce que paient les producteurs locaux. En plus de sa correction, elles le trouvent éduqué, sympathique et très respectueux. Et de conclure: « Toutes ces conditions font que son projet fonctionne aussi comme une sorte d’école de formation, de perfectionnement et de tremplin pour les artistes locaux qui commencent à être demandés au Nord. Ainsi, nos interlocutrices réduisent toutes les critiques à de la jalousie. Naturellement, cela est très simpliste. Les enjeux sont beaucoup plus complexes. Une chose est sûre, sur ce terrain devenu un espace de jeu plein d’enjeux, Nabil Ayouche ne laisse pas indifférent. Certaines critiques sont plus subtiles et combattent dans l’arène de l’argumentaire de N. Ayouche. Il n’est pas normal de défendre la diversité culturelle et en même temps accepter de prendre le monopole d’un projet public qui suffoque du coup tous les producteurs locaux, regrette un cinéaste d’Agadir.Avec déception, il ajoute: Le plus révoltant est de passer ses films ensuite à la télévision en arabe ou de ne pas les passer du tout le temps qu’on les vende en DVD à des prix exorbitants. On est évidemment aussi en colère contre ceux qui ont donné tout le projet à un seul producteur. On espérait que ce marché serait partagé par les diverses boîtes de la région. En guise de réponse, les décideurs promettent d’autres projets à venir. 
 
La coopération pour casser l’isolement 
En attendant les professionnels de la région cherchent de l’aide ailleurs afin de casser l’isolement. C’est le cas du festival Issni N’Ourigh qui, pour sa deuxième édition, a cherché à faire des ponts avec l’Algérie et Genève. Deux festivals ont apporté leur soutien à cette édition. D’un côté, il y a le festival du film oriental de Genève avec qui un accord est passé pour que des professionnels suisses puissent venir encadrer des stages de formation l’an prochain. De l’autre côté, nous avons le festival culturel annuel du film amazigh (Algérie). Les deux festivals cherchent à faire des ponts, à s’entre-aider et à réaliser des projets ensemble. En attendant l’annonce de ces projets, on sait d’ores et déjà qu’une forte délégation marocaine est attendue à Sidi-Bel-Abbès où se tiendra la 9e édition du FCAFA. 
De notre envoyé spécial à Agadir (Maroc) 
Tahar Houchi

 

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Modifié en dernier lieu le 19.06.2008
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